LE GRAND TÉTRAS

Par LIBRE FORET

Tetrao urogallus

Ordre : Galliforme Famille :Tétraonidé

Le Grand Tétras est le plus grand galliforme européen au dimorphisme sexuel* très marqué (comme le Paon, du même ordre).

Deux sous-espèces sont présentes en France : Major pour les montagnes de l’Est de la France et Aquatinus pour les Pyrénées. Cette population est génétiquement différente des populations Alpines et Scandinaves. La sous-espèce Major est plus grande qu’Aquatinus.

Le plumage des coqs est d’aspect très sombre. Les poules sont plus petites que les coqs (longueur totale de 86 à 110 cm pour le coq, de 55 à 70 cm pour la poule) mais aussi plus légères (de 2.5 à 6 kg pour le coq, de 1.5 à 2.2 kg pour la poule), et leur plumage est dominé par le roux, typique des oiseaux nichant au sol. Le chant chez le coq et le caquètement chez la poule, sont surtout détectables au printemps lors des parades nuptiales.

* Ensemble des différences entre le mâle et la femelle Voir photos et schéma plus bas

Grand Tétra mâle – Photo ©Simon-Bailey

Le Grand Tétras est une espèce sédentaire présente dans les forêts boréales, de la Sibérie orientale à la Scandinavie. La partie sud-ouest de son aire de répartition est fragmentée du fait de la localisation des forêts résineuses de montagnes et de la perte des biotopes qui lui sont indispensables. Chez nous, la population (quand il en reste) est une relique de l’époque glaciaire, adaptée aux milieux froids (mue complexe, plumage dense et épais, pattes adaptées à la marche sur la neige, bec sécateur et intestin permettant l’assimilation des matières ligneuses en hiver). 

Des données attestent que l’espèce est présente encore en 1980 à une altitude de 400 m dans les Vosges et dans ce même massif présent dans six départements (54, 57, 88, 67, 68, 70).

Un programme de réintroduction a été mis en place entre 1978 et 2004 par le Parc National des Cévennes, abandonné en 2006. Il n’existe aucune information sur les populations actuelles, mais le Grand Tétras semble se raréfier. La population vosgienne étant éteinte, un programme de réintroduction de 40 individus par an pendant cinq ans est envisagé en 2024 .

Grand Tétras femelle Photo ©Farbror

Espèce forestière par excellence, le Grand Tétras occupe de préférence les vieux peuplements. Dans le massif vosgien, il vivait entre 400 m et 1 200 m d’altitude, affectionnant particulièrement les forêts claires et âgées (plus de 150 ans), composées de conifères ou en mélange avec des feuillus, et un tapis dense de myrtilliers, réparti par taches, d’au moins 30 % de la surface et d’une hauteur minimale de 30 cm.

La reproduction nécessite de grands espaces boisés présentant les caractéristiques ci-dessus avec des espaces non fractionnés, soit plusieurs dizaines de milliers d’hectares.

Grand Tétras-schema

©d’après Groupe Tetras Jura

Le Grand Tétras est une espèce polygame, qui acquiert sa maturité sexuelle au bout d’un an.

Au printemps, les places de chants sont toujours situées au milieu des meilleurs secteurs d’hivernage des coqs et de nidification des poules. Le coq est fidèle à sa place de chant au cours de toute son existence. Les poules sont fidèles aussi à leurs territoires de nidifications (situés là où la neige fond rapidement). En été, les poules suivies de leurs poussins occupent des milieux à la strate herbacée dense haute de 30 à 80 cm. En hiver, dès que la neige apparaît, le Grand Tétras vit dans les arbres de peuplements âgés et très clairs.

Le nid, généralement installé dans un rayon de 1 km autour des places de chant, est installé à même le sol. Il s’agit d’une simple cuvette tapissée de brindilles, de feuilles, d’aiguilles de conifères et de quelques plumes. Quelques jours après l’accouplement, la poule y dépose 4 à 10 œufs (6 en moyenne) de teinte crème jaunâtre.

Après 27 jours de couvaison, les poussins éclosent et quittent le nid aussitôt  (ils sont nidifuges). Ils sont élevés par la poule seule. Dès l’âge de 8 à 14 semaines, les jeunes deviennent autonomes, très mobiles et se déplacent sur des centaines d’hectares.

Hormis les intempéries, la mortalité des jeunes est due à la prédation : le renard et la martre des pins se nourrissent d’environ 50 % des couvées. Leur espérance de vie est d’environ 15 ans pour le coq et un peu moins pour la poule.

L’adulte est surtout actif en début et en fin de journée, contrairement à ses poussins qui ont besoin de se nourrir 16 heures par jour. Leur nourriture est surtout composée d’insectes (fourmis, entre autres). Cette forte teneur en protéine animale est nécessaire à leur croissance durant les quatre premières semaines de leur vie. Après 10 semaines, ils abandonnent progressivement ce régime riche pour adopter, au cours de l’automne, celui des adultes.

*ramifications du tube digestif abritant une flore bactérienne à même de transformer la cellulose

Le régime des adultes est essentiellement végétarien, variant au fil des saisons. De décembre à avril, il est uniquement constitué d’aiguilles de conifères qu’il peut assimiler grâce aux “caeca”*.

En avril-mai, les besoins énergétiques augmentent avec les activités de reproduction et l’amènent à rechercher des protéines dans les bourgeons de hêtre et de myrtillier, dans les chatons de saules et de bouleaux, et dans les pousses de plantes herbacées. Son régime se diversifie ensuite en été, où il consomme environ 150 plantes herbacées différentes, puis des fruits au fil du mûrissement de ceux-ci (myrtilles, framboises et sorbes).

Réserve biologique dirigée de Bousson-Photo ©jmColin

De façon globale en France, l’espèce se porte mal. Le Grand Tétra disparaît dans les Vosges et se raréfie dans le Jura Français et Suisse. Plusieurs facteurs en sont la cause :

  • Rajeunissement des forêts et plantations massives
  • Diminution des strates sous-arbustives réduisant la ressource alimentaire (Cerf, gyrobroyage)
  • Gestion en futaie régulière par grande parcelle
  • Perturbation par toutes les activités humaines : loisirs, chasse, cueillette, usages militaires et industriels…
  • Mise en place de clôtures afin de protéger les régénérations des dents des cervidés
  • Surdensité de sangliers en altitude qui consomment les œufs et les poussins.

Le Grand Tétras est une espèce parapluie* et un indicateur de la biodiversité forestière. Les mesures de conservation prises pour lui devraient bénéficier à de nombreuses autres espèces de montagne, tel que les pics, la chouette chevêchette, la chouette de Tengmalm, la bécasse des bois, ainsi qu’aux insectes saproxyliques, aux chiroptères et à la flore forestière.

Tendre vers de la futaie irrégulière (avec pins et sapins) à couvert continu et développer la strate arbustive basse (avec une présence importante de myrtilliers) est la meilleure des gestions forestières pour cette espèce emblématique.

*Une « espèce parapluie » est une espèce dont l’espace vital est très vaste

TEXTE : Jean-François PETIT/Jean-Marc COLIN – SOURCES : Cahiers d’habitat Oiseaux, Groupe Tétras Jura, Libération – PHOTOS : Simon BAILEY, FARBOR, Jean-Marc COLIN – SCHEMA : d’après Groupe Tétras Jura